Le Roraima
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Historique de l'épave :
Les EPAVES de Saint-Pierre !!! Ces épaves qui nous font
rêver sont ici la résultante de la plus grande catastrophe naturelle
qu'aient connu les Caraïbes en général, et la Martinique
en particulier. Situé au Nord de la Martinique sur la côte Caraïbe,
la ville de Saint-Pierre est dominée par le volcan de la
Montagne Pelée (1397 m aujourd'hui, 1351 m en 1902), qui la protège
des alizés et fait de sa baie un site de mouillage idéal.
En cette année de 1902, Saint-Pierre va vivre une terrifiante tragédie
humaine. La ville est alors magnifique et dynamique : un théatre, un
jardin botanique unique, une cathédrale, trois groupes de presse, un
tramway, de belles demeures en pierre
de taille, et un trafic maritime intense.
Sa beauté et son opulence font de Saint-Pierre "La perle des Caraïbes".
Elle était d'ailleurs surnommée "Le Paris des Antilles".
Dès février 1902, les premiers signes avants-coureurs de la catastrophe
se manifestent : des lueurs apparaissent au cratère du volcan. Les oiseaux,
les serpents puis les rats quittent les flancs de la montagne.
Les évènements vont s'accélérer au cours du mois
d'avril :
- Le 22, le câble Fort-de-France - Guadeloupe est rompu.
- Le 23, une légère secousse sismique est ressentie au village
du Prêcheur, situé au Nord de Saint-Pierre.
- Le 24, de la montagne Pelée s'élève dans le ciel une
colonne de fumée noire de 500-600 m de hauteur.
- Le 25, une sourde explosion continue retentie. Le Prêcheur est recouvert
de cendres grises.
- Le 28, de nouvelles explosions sont entendues. Le débit de la Rivière
Blanche augmente.
- Le 30, on ressent à Saint-Pierre de petites secousses qui s'intensifient
dans la nuit.
Début mai, les autorités ne manifestent toujours aucune inquiétude,
pourtant :
- Le 1er, l'émission de cendres augmente.
- Le 2, la cendre tombe pour la première fois sur la ville, la recouvrant
de plusieurs centimètres. Le câble Saint-Pierre - La Dominique
est rompu. L'angoisse commence à se ressentir.
- Le 4, la Rivière Blanche gonfle de façon alarmante. La Montagne
Pelée est environnée d'éclairs. L'angoisse fait place à
la peur.
- Le 5, une violente éruption boueuse se produit. Elle dévale
vers la mer, utilisant le lit de la Rivière Blanche, et détruit
au passage l'usine Guérin. Vingt cinq personnes sont tuées par
ce torrent de boue. Cet événement crée un début
de panique à Saint-Pierre.
- Le 6, les détonations augmentent d'intensité, la cendre tombe
toujours, mais les autorités assurent qu'il n'y a pas de danger.
- Le 7, le volcan déverse d'immenses colonnes de cendres. Une quarantaine
d'embarcation de tout type mouille alors dans la baie : remorqueur = le Diamant
et la Fusée, cargo mixte = le Roraima
appartenant à la Compagnie Québec-Line, câblier = le Grappler,
voiliers = l'Orsolina, le Teresa Lo Vico, le Sacre Cuore, le Nord-America, la
Mara di Pompeï, le Tamaya, le Clementina,
la Gabrielle, le R.J. Morse, le Korona, le Biscaye, l'Arama...
Les règlements portuaires et les impératifs de fret interdisaient
aux capitaines de lever l'ancre. Un homme pourtant, le Capitaine Ferrara, commandant
de l'Orsolina, décide de partir. Son bateau est couvert de cendres, les
arbres du bord de mer s'effrondrent sous le poids de la cendre. Les
douanes refusent de le laisser partir, et le menacent de lourdes sanctions
s'il lève l'ancre malgré tout. Il les quitte en leur répliquant
: "Qui me les appliquera, Vous ? Demain vous serez tous morts !"
Ces mots hanteront le Capitaine Ferrara toute sa vie. Le soir, un gros orage
éclate.
Le 8 au matin, la ville lavée par la pluie de la nuit, a meilleur aspect.
A 7h58, la montagne s'ouvre, expulsant un immense nuage de cendre, boue, cailloux,
gaz brûlant. Celui-ci masque la lumière, l'obscurité se
fait sur Saint-Pierre.
La nuée ardente d'une
température d'environ 1.000° (mélange de blocs arrachés
au cratère, de magma solidifié et de cendres pulvérisées)
fonce à près de 400 km/h sur la ville, éclatant, pulvérisant,
calcinant tout sur son passage.
En quelques secondes la ville n'est plus qu'un
champ de ruines. Saint-Pierre a cessé d'exister, et avec elle 30.361
personnes. Lorsque l'on contemple les photos de la ville, on a véritablement
l'impression qu'une bombe nucléaire l'a frappée. Tout est anéanti.
Seuls deux survivants seront retrouvés : Auguste
Ciparis qui avait été incarcéré
quelques jours auparavant, et Léon Compere-Leandre.
Ce cyclone de feu frappe ensuite la mer, soulevant une fantastique vague qui
couche littéralement les bâtiments. Le Grappler coule le premier,
puis la Gabrielle, le Teresa Lo Vico, le Clementina, l'Anna Morse, le Korona...
Le Diamant qui embarquait des passagers tente de fuit l'enfer, mais ses chaudières
explosent et il coule. Le Sacro Cuore, le Tamaya, le Nord-America, l'Arama flambent
et s'enfoncent dans les flots.
Le Roraima est touché également. Il
brûle en plusieurs endroits notamment à l'arrière. Ces
deux mats d'acier et sa cheminée de fer ont été volatilisés
par la nuée. Il est incliné sur le flanc tribord mais toujours
à flot car l'ancre a tenu. Tout autour de lui, les pierres incandescentes
(lapilli) tombent en sifflant, suivi d'une boue brûlante. Les passagers
qui se trouvaient dans les cabines sont rapidement asphyxiés ou noyés.
Ceux qui se trouvaient sur le pont sont tués immédiatement. A
l'intérieur quelques survivants sont très gravement brûlés,
et nombre d'entre-eux décéderont dans les heures qui suivent.
Ellery Scott, le Commissaire Adjoint Thomson et deux autres personnes sont encore
valide sur le Roraima. Il est 8h03.
Vers 8h45, le Roddam passe à proximité du Roraima. Les quatres
hommes commencent à aller chercher les blessés pour les amener
à l'avant dans l'espoir que le navire puisse les prendre à son
bord. Ils font des signaux, mais voient désespérés le Roddam
continué sa route. Il ne peut en effet s'arrêter n'étant
lui-même qu'une fournaise flottante. Les survivants doivent alors faire
face aux multiples foyers d'incendie qui se sont déclarés sur
le navire, notamment dans la timonerie à bâbord. Après une
lutte acharnée, l'incendie leur laisse un peu de répit pour s'occuper
des blessés. Ils réussissent à forcer la porte de la glacière,
et à prendre des morceaux de glace pour les mettre dans la bouche des
blessés. Le Suchet les sauvera vers 14h00.
A 8h03, le câblier français Pouyer Quertier assistant au drame
au large de Saint-Pierre, transmet le message suivant : "S.O.S St-Pierre
détruit par éruption Montagne Pelée".
Le Capitaine Freeman commandant du Roddam, en arrivant à Port-Castrie
prononce cette terrible phrase : "Nous venons des portes de l'enfer,
vous pouvez télégraphier au monde qu'il n'y a plus une âme
vivante à Saint-Pierre."
Le Roraima brûla pendant trois jours,
puis s'enfonça par l'arrière pour rejoindre sa dernière
demeure.
Soixante douze ans après, en 1974, Michel
Météry qui a entrepris l'exploration de la baie de Saint-Pierre
après sa découverte de la Gabrielle, retrouve l'épave du
Roraima.
Schéma : Dominique Sérafini
Description :
Le Roraima est posé à plat sur un fond de sable par 60 m de profondeur.
L'épave est vaste, environ 120 m de long pour 15 m de large environ.
Elle nécessite de nombreuses plongées pour pouvoir être
admirer dans son ensemble.
L'épave comporte trois parties distinctes, la partie centrale étant
légèrement affaissée par rapport aux deux autres, mais
toujours solidaire. En débutant la plongée par l'avant du navire,
vous pourrez admirer l'étrave. La
proue est imposante. Du mouillage, il ne reste que l'énorme
chaîne, brisée, mais toujours fixée au cargo. On peut
pénétrer dans le puits de chaîne,
et retirer son détendeur en ayant pris la précaution au préalable
de le faire fuser pour renouveler l'air. En effet lorsque le Roraima a sombré,
une bulle d'air est resté coincé à cet endroit. Cette impression
de respirer sans détendeur par 50 m de fond est amusante.
Sur les flancs de l'épave, les bittes d'amarrages
sont toujours présentes. En se dirigeant vers la poupe, vous traversez
les coursives. Il faut se méfier
car les tôles sont coupantes et des câblent pendent ça et
là. La vision du bleu à l'intérieur de celles-ci est absolument
magnifique. Survolant les restes du pont, vous verrez l'embase
de la cheminée (diamètre 2,50 m) et un bout
de mât. Ceux-ci soufflés par la nuée reposent
désormais sur bâbord. Il ne reste pratiquement rien des superstructures
qui n'ont pas résisté à l'explosion et ont brûlé
trois jours durant.
L'intérieur du Roraima est magnifique,
mais méfiez-vous car la visite est longue et le temps passe vite à
cette profondeur. Vous pourrez admirer l'entrepont,
la salle de bains et ses carreaux de faïence bleue, les WC du Commandant
et sa céramique qui a résisté au temps, la cambuse avec
ses ustensiles soudés par la chaleur aux fourneaux et plans de travail.
Si vous pénétrez dans les entrailles du cargo, vous pourrez admirer
la salle des machines avec ses volants
de manoeuvre en cuivre, ses manomètres et la
soute à charbon. Il faut se déplacer avec prudence car tout
est recouvert d'une couche de cendre et de vase, et la visibilité peut
rapidement devenir nulle. Il est indispensable d'avoir un fil d'Ariane. Continuant
vers l'arrière, la visite des cales permet de contempler la
pompe de cale, des restes d'objets
tordues par la chaleur, des engrenages...
Sur l'arrière vous pourrez admirer la
cassure, pour ensuite plonger dans la
cale, ou encore pénétrer dans le
château arrière. Un dernier regard sur la
poupe, et il est temps de quitter ce vaisseau d'acier, cette épave
fabuleuse et remplie d'histoire. La remontée ne se fait pas sans un dernier
regard pour ce qui fut un magnifique bateau.
Faune et flore :
Le Roraima était surnommé par le Commandant Cousteau "L'épave
aux cheveux blancs". En effet on trouve sur tout le cargo de longs
fils blancs ressemblant à des câbles, qui sont en fait des
virgulaires.
La flore semble témoignée du drame 100 ans après, notamment
avec des coraux tortueux surnommé "cornes d'élans",
semblant avoir été déformés par la chaleur terrible
de la nuée.
Toute l'épave est colonisée par d'énormes éponges
rouges sombres en forme de cheminée, typique de la flore des Caraïbes.
De grandes gorgones blanches et orangés se trouvent dans les coursives
et sur le pont.
La faune est nombreuse : gros barracudas
en banc ou solitaire, immenses bancs
de mombins, poissons anges, poissons
trompettes, poissons lézard,
grosses sorbes...